Nous avons joué à la campagne solo et au mode multijoueur : Quelle est la part de Command & ; Conquer Generals réellement présente dans le nouveau STR ?
Le pied-de-biche est un outil fascinant. Gordon Freeman et Valve l’ont utilisé avec succès. Dans Half-Life, c’est un outil à tout faire : vous voulez ouvrir une caisse de munitions ? Utilisez le pied-de-biche pour la réduire en éclats de bois ! Un Headcrab veut s’accoupler avec le visage de Gordon ? Donnez le pied de biche ! Sans aucun doute très utile, mais pas très subtil non plus, ce morceau de fer.
C’est pourquoi vous pouvez considérer comme une bonne nouvelle le fait que dans le nouveau jeu de stratégie en temps réel Crossfire : Legion, il ne suffit pas d’attaquer les positions ennemies avec un pied de biche. Construire le plus d’unités possible et les envoyer dans la base ennemie n’est pas une tactique valable, que ce soit en multijoueur ou dans la campagne solo étonnamment vaste.
Comment le savons-nous Nous l’avons essayé, dans une version très avancée qui correspond déjà presque à la version Early Access et qui comprend les quatre premières des 15 missions en solo. Notre conclusion : ce qui ressemble au premier abord à une copie de Command & ; Conquer Generals, riche en action mais peu captivante, pourrait en fait être un très bon jeu de stratégie en temps réel dans un cadre militaire moderne, comme les fans le souhaitent depuis des années.
Si nous avons été agréablement surpris lors de notre essai, c’est peut-être aussi parce que les développeurs de Blackbird Interactive, qui ont récemment redonné vie à la série Homeworld, sont derrière Crossfire : Legion.
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Un espoir surprenant
A l’heure actuelle, la plupart des employés de Blackbird Interactive travaillent sur le jeu spatial Homeworld 3, mais une petite équipe séparée de douze personnes garde les deux pieds sur terre.
Au lieu de s’aventurer dans les vastes sphères du cosmos, ils ont pris pour modèle des jeux de stratégie en temps réel plus terre à terre comme Act of War, Starcraft ou encore Command & ; Conquer. Crossfire : Legion s’inspire de ces classiques et les associe à un scénario dont les origines remontent à un blockbuster multijoueur presque inconnu chez nous.
En effet, le jeu de tir multijoueur Crossfire, publié en Corée du Sud, est l’un des jeux les plus populaires au monde : entre 2007 et 2020, un milliard de joueurs auraient essayé le titre gratuit Free2Play. Les microtransactions dans le jeu ont permis au développeur Smilegate (le MMO Lost Ark est issu de la filiale Smilegate RPG) de récolter 12 milliards de dollars US jusqu’en 2018.
Comme pour League of Legends, il existe aujourd’hui plusieurs jeux dérivés de Crossfire (comme Crossfire X), ainsi qu’une série télévisée, « Arcane » en tête. Crossfire : Legion est désormais l’un des premiers projets de ce type à trouver son chemin dans l’hémisphère occidental, et c’est effectivement une bonne nouvelle pour tous les joueurs de stratégie en temps réel.
Ne serait-ce que parce que Legion ne sera pas un autre jeu Free2Play, mais sortira le 26 avril 2022 en (Early Access sur Steam) pour un prix qui n’a pas encore été fixé, puis à un moment donné en tant que jeu à prix plein normal avec une campagne solo, un mode multijoueur et un éditeur de cartes pour le réapprovisionnement en MP.
Crossfire : Legion se déroule en outre à une autre époque que l’original, mais reprend les deux grands adversaires Black List et Global Risk. Ces groupes de mercenaires presque tout-puissants s’affrontent dans des grandes villes futuristes, des toundras glacées ou ailleurs, avec en plus un peu de drame de caractère dans les séquences intermédiaires, mais qui se situe plutôt au niveau d’un spectacle amateur.
Plus important encore : avec New Horizon, les développeurs lancent une autre faction dans la lutte pour les matières premières et la domination du monde, car tous les fans de STR savent depuis Starcraft qu’il est tout simplement plus facile de tactiser à trois.
C’est ainsi que se joue Crossfire : Legion
Les quatre premières missions de la campagne nous permettent déjà de nous faire une très bonne idée de Crossfire : Legion. Deux missions sont linéaires, se terminent très rapidement et sont remplies de scènes scriptées, elles servent plutôt de tutoriel. Mais ensuite, le développeur Blackbird monte en puissance : Les cartes deviennent plus grandes, la construction de base est débloquée et il y a plus d’unités, le niveau de difficulté augmente, la composition de votre troupe joue un rôle plus important qu’auparavant.
Du côté de Black List, les gentils de l’histoire, vous vous faufilez avec une unité spéciale camouflée devant des tours de garde et vous piratez des tourelles. Ensuite, vous devez libérer des sections de la map pour deux alliés et synchroniser vos attaques sur la base ennemie avec les convois automatiques des alliés de l’IA pour avoir une chance.
Soudain, le principe du pied de biche mentionné plus haut ne fonctionne plus, Crossfire : Legion exige une microgestion et l’application systématique du principe pierre/ciseaux/papier. Nous tirons sur les avions ennemis avec des drones qui explosent d’eux-mêmes ou nous les tirons au sol à l’aide de la capacité de préhension de nos buggys. Une frappe EMP bien placée ouvre une brèche dans la ligne de défense de l’adversaire. Et grâce aux points de téléportation de Black List, les renforts peuvent être acheminés en un clin d’œil vers la ligne de front:
Important : Bien qu’il n’y ait pas de formations classiques, il est tout de même très important de positionner correctement vos troupes. Il est préférable d’organiser les unités en groupes de contrôle et de veiller à ce que votre infanterie ne soit pas gaspillée inutilement ou que vos avions ne s’aventurent pas trop loin en territoire ennemi et ne soient pas abattus par la DCA.
Nous ne voulons pas passer sous silence le fait que tout n’est pas rose. Comme l’intelligence artificielle et la recherche de chemin sont encore perfectibles (nous jouons à une version pré-alpha), il arrive que des unités alliées se disputent inutilement. De plus, les véhicules et les soldats se déplacent à des vitesses différentes même lorsqu’ils se trouvent dans un groupe, au lieu de s’adapter au membre le plus lent de la troupe. Nous avons donc rapidement pris l’habitude de travailler avec les commandes « Attack Move » et « Hold Position » afin de mieux contrôler les unités.
Pendant ce temps, la construction de la base suscite certes des sentiments nostalgiques, mais elle est loin d’être aussi complexe qu’elle pourrait l’être. Selon le game designer Maurice Grela, ce compromis a été fait en connaissance de cause. Nous cliquons sur des améliorations pour les bâtiments principaux et les casernes ou les usines, ce qui nous permet de débloquer de nouvelles unités. Les tours de défense prennent automatiquement les ennemis pour cible, il n’est pas possible de construire des murs. Nuisible : la file d’attente de construction permet de commander à l’avance un maximum de cinq unités en même temps.
L’approvisionnement en matières premières est presque automatique. Les deux matières premières sont extraites par vos ouvriers, comme dans Starcraft, et des caisses de ravitaillement se trouvent de temps en temps dans la région. De plus, il y a une limite de population
Bizarre pour les missions qui se déroulent dans des villes densément peuplées : Les bâtiments ne peuvent pas être occupés par l’infanterie, il n’existe pas non plus de mécanisme de bunker comme dans C&C : Generals. Blackbird Interactive veut corriger un autre défaut pendant la phase d’accès anticipé : Actuellement, il n’y a pas encore de fonction de sauvegarde pendant les missions. Mais cela est déjà à l’ordre du jour et constitue une « haute priorité », nous rassure Maurice Grela dans l’interview.
Les développeurs veulent être prêts pour le 4e trimestre 2022, date à laquelle la version 1.0 devrait être disponible. D’un côté, cela nous semble très ambitieux, mais d’un autre côté, Crossfire : Legion nous semble déjà mûr, notamment en ce qui concerne l’interface et les commandes.
D’ici la sortie finale, les trois autres actes de la campagne solo qui manquent encore seront intégrés au jeu, et les développeurs souhaitent également apporter des modifications à la conception des missions, à l’équilibre multijoueur et aux modes de jeu PvP sur la base des retours des fans, à un rythme mensuel.
Le multijoueur doit porter le jeu – et aussi le financer?
Trois modes ont été confirmés jusqu’à présent, outre le PvP habituel (1v1 et 3v3 sur deux maps), il y a Payload, une variante plus tactique dans laquelle trois caisses doivent être transportées vers la base ennemie. Et puis il y a encore Operation Thunderstrike, un mode coopératif pour trois joueurs qui affrontent des hordes d’IA. La campagne ne peut d’ailleurs pas être menée en coopération.
Selon ses propres dires, Blackbird travaille déjà sur d’autres modes et cartes, l’éditeur de ces dernières devant être mis à la disposition de la communauté lors de l’Early Access. Toutefois, il ne permet de créer que des cartes multijoueurs, pas de nouveaux contenus solo. Les développeurs espèrent néanmoins mettre sur pied une communauté vivante qui, à l’instar des classiques STR de la marque Warcraft 3, continuera à créer de nouvelles cartes pendant de nombreuses années après la sortie du jeu.
Un autre point pourrait toutefois venir troubler l’armure solide de Crossfire : Legion. En effet, les développeurs réfléchissent encore à la question de savoir si et comment le jeu sera monétisé après sa sortie. Ce qui est clair jusqu’à présent : Legion ne sera pas un jeu Free2Play, vous devrez payer normalement pour jouer.
Mais dans l’interview, Maurice Grela évoque aussi ce qu’il appelle la « monnaie forte », que l’on pourra dépenser pour des microtransactions dans la boutique en jeu, c’est-à-dire de vrais euros. En terminant des opérations, c’est-à-dire des quêtes quotidiennes, vous accumulez une monnaie ingame dans le mode multijoueur, avec laquelle vous débloquez peu à peu de nouvelles unités et de nouveaux commandants. Ces derniers fonctionnent comme dans C&C Generals et permettent certains styles de jeu. Actuellement, les développeurs débattent encore pour savoir ce qui pourra être acheté avec de l’argent réel.
On veut éviter les mécanismes pay2win, mais cela risque d’être difficile si les joueurs au portefeuille bien garni peuvent, grâce à un booster d’XP, s’emparer plus rapidement de troupes en haut de l’arbre de recherche ou d’un commandant particulièrement puissant. Grela, le concepteur du jeu, explique que le matchmaking ne mettra en relation ces joueurs qu’avec des concurrents ayant un niveau comparable dans le système de progression. Et bien sûr, il faut aussi apprendre à manier les chars les plus épais, même si on les achète tout de suite pour quelques euros.
« Lorsque nous discutons des conditions d’achat de notre monnaie, nous examinons activement d’autres exemples dans le secteur pour voir ce qu’ils font correctement. Et ce qu’ils font de mal, pour en tirer des leçons. […] C’est un exercice d’équilibre difficile.«
Maurice Grela
Un système de deck de cartes nécessite des décisions tactiques avant le début du jeu : neuf slots sont à votre disposition et vous devez choisir les unités auxquelles vous voulez avoir accès au cours du match. D’autres mécanismes devraient accompagner ce système, mais Grela ne dévoile pas lesquels. Interrogé sur la possibilité d’améliorer les unités ou de détruire des cartes à la manière de Hearthstone pour obtenir des ressources afin de fabriquer d’autres cartes par crafting, il réagit avec retenue :
« Nous sommes très, très prudents à ce sujet. Cela remonte aux mécanismes Pay2Win dont nous avons parlé. Il y a beaucoup de points qui donnent mal au ventre aux joueurs occidentaux, et cela s’étend aussi à ce type de système.
Conclusion de la rédaction
Je fais confiance à Maurice. Expert en stratégie en temps réel nommé Maurice, Maurice Grela. Le game designer a eu les bonnes réponses lors de l’interview et veut rendre Crossfire : Legion aussi grand que le genre l’a été dans son souvenir et dans le mien. Contrairement à mes préjugés, je suis extrêmement curieux après la mission 4 sur 15 de voir si lui et ses compagnons de Blackbird Interactive y parviendront. Car ce à quoi j’ai joué ici est en fait un STR de la vieille école, qui est incroyablement amusant, bien que (ou peut-être justement parce que ?) il ne fasse pas grand-chose de différent. Des points d’interrogation subsistent concernant les microtransactions et la manière dont le multijoueur se comporte dans le test d’endurance. En tout cas, il y a de quoi faire de ce jeu un succès surprenant.